Texte de présentation – exposition Gordes – 2008
Michel Foucault écrit, point d’orgue de son cheminement structuraliste, Les Mots et les choses. Les mots, les signes du langage donnent l’être, l’essence de l’objet…du sujet. Le chapitre introductif, magistral et paradoxal, se glisse dans Les Ménines de Velasquez pour en faire une description absorbée et rhétorique : une analyse de la représentation et son abyme. Le chef-d’oeuvre de Velasquez le permet encore…La peinture s’éloigne pourtant inexorablement du rivage charnel, concret de la représentation et de son corollaire : les mots. La lumière, impression désintéressée de Turner, les grands impressionnistes perdus dans leurs paysages mouchetés, le maître Van Gogh, fou arquebouté sur quelques tournesols fanés font frémir les chiens de garde de l’académisme et de son discours rassurant. Apollinaire, en 1907, résume ce divorce, impuissant face aux Demoiselles d’Avignon de Pablo Picasso, s’exclamant « les mots me manquent ». Au XXème siècle, la conclusion de ce mouvement est fracassante : art abstrait, expériences minimalistes. L’allégorie de la représentation des Ménines semble bien loin. Le langage et la peinture vivent désormais leur vie propre dans une post-modernité calme et pérenne. L’art conceptuel, l’hyperréalisme et leur regard sur la société contemporaine transforment le discours en matière, en couleur. Avant-garde? Peut-être…
Où se situe le rapport entre peinture et langage ? Peut-on exprimer la peinture ? Federico Garcia Lorca, René Char, dans leur poésie matiériste, visuelle, loin de la rhétorique se sont approchés de la peinture et de son essence. Les signes poétiques, entre matière et vision, expriment une réalité proche de la réalité peinte. Apollinaire, critique d’art, avait oublié le poète.
Antoine Dubruel, 2008
Alegoria, 2007